Période périnatale : Gare à la santé mentale des femmes !

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Rédigé par Deborah L. et publié le 26 janvier 2022

Les trois mois avant et après l’accouchement représentent une période délicate où les femmes deviennent particulièrement vulnérables et voient leur santé mentale mise à rude épreuve. D’après une récente étude publiée dans le Journal of Clinical Psychiatry, des variations sur les rythmes biologiques pourraient expliquer l’apparition de troubles de l’humeur et de l’anxiété pendant cette période périnatale.

Période périnatale et anxiété des futures maman

3 mois avant et 3 mois après l’accouchement : une période sensible

Le dernier trimestre de grossesse et les trois premiers mois suivant l’accouchement constituent une période sensible où les femmes deviennent particulièrement vulnérables et voient leur santé mentale mise à rude épreuve. On estime que 15 à 18 % des femmes souffrent d’anxiété et que 7 à 13 % souffrent de dépression au cours de cette période périnatale.

Or l’anxiété et la dépression qui peuvent accompagner cette période délicate ont un impact négatif à tous niveaux. Chez les mères, ces troubles peuvent être à l’origine d’un bouleversement de l’équilibre familial, d’une détérioration de la qualité de vie, de problèmes relationnels, d’un manque de confiance en soi etc… Chez les enfants, ils peuvent avoir des conséquences sur le développement du langage, sur le lien avec la mère, et causer des problèmes émotionnels et comportementaux.

Un certain nombre de facteurs de risque ont été décrits pour la dépression et l’anxiété caractéristiques de cette période. Néanmoins, les scientifiques ne disposent pas à ce jour de prédicteurs biologiques fiables de ces troubles psychiatriques en période périnatale. Certes, quelques études font état d’une détérioration de la qualité du sommeil au cours du troisième trimestre de la grossesse et du premier mois post-partum. Mais la compréhension des changements des rythmes biologiques au cours de cette période reste limitée. Dans ce contexte, une équipe de chercheurs canadiens a souhaité étudier l’impact des rythmes biologiques sur l’humeur et l’anxiété des femmes pendant la période périnatale.

Impact des rythmes biologiques sur l’humeur et l’anxiété

Cette étude représente à ce jour la plus grande étude observationnelle portant sur les changements dans le sommeil et les rythmes biologiques pendant la période périnatale. L’objectif affiché ? Identifier quels changements dans le sommeil, le rythme biologique et les variables d’exposition à la lumière étaient associés à la dépression et à l’anxiété post-partum (depuis le troisième trimestre de grossesse et jusqu’à 12 semaines après l’accouchement).

Pour mener à bien leurs recherches, les scientifiques ont ainsi recruté 100 femmes, dont 73 qu’ils ont suivies du début du troisième trimestre à trois mois après l’accouchement. L’étude a été menée au sein d’une clinique spécialisée dans les troubles psychiatriques pendant les périodes périnatale, prémenstruelle et périménopausique.

Différents outils et tests de laboratoire ont permis aux chercheurs d’analyser plusieurs types de mesures objectives : mesures du sommeil/ des rythmes biologiques/ des niveaux de mélatonine et de l’exposition à la lumière. Les participantes ont par ailleurs été invitées à faire état de leurs propres symptômes de dépression et d’anxiété, et de partager leurs expériences subjectives du sommeil.

Les chercheurs ont ainsi pu identifier plusieurs variables liées à la dépression et à l’anxiété. Il en ressort que ce sont les variations dans les rythmes biologiques qui étaient les plus étroitement associées à la sévérité des symptômes dépressifs et anxieux à différents moments de la période périnatale. Parmi ces variations, on distingue par exemple des changements du rythme circadien, le niveau moyen d’activité pendant la nuit ainsi que le niveau de fragmentation du sommeil (probabilité de passer du repos à l’activité pendant la nuit).

À savoir ! Chacun de nous est doté d’une horloge biologique personnelle (ou horloge interne) qui impose un cycle de 24 heures à l’organisme et joue un rôle crucial dans son bon fonctionnement. Ce cycle de 24 heures, appelé rythme circadien, est un cycle pendant lequel un certain nombre de mécanismes biologiques et physiologiques se répètent au sein de l’organisme. C’est l’horloge biologique qui impose le rythme circadien à l’organisme.

Ces différents paramètres du rythme biologique pourraient en effet se révéler importants pour les symptômes dépressifs à différents moments de la période périnatale. Etonnamment, les chercheurs ont par exemple observé qu’une plus grande fragmentation du repos nocturne était associée à une diminution des symptômes dépressifs entre 6 et 12 semaines après l’accouchement. Ce qui suggère que les femmes avec un sommeil nocturne plus fragmenté entre 6 et 12 semaines après l’accouchement présentaient des symptômes dépressifs plus faibles. Constat d’autant plus intéressant que cette période de 6 à 12 semaines après l’accouchement est celle où le risque de développer une dépression post-partum est le plus élevé !

Vers un meilleur dépistage des troubles anxio-dépressifs en période périnatale ?

Pour les auteurs, les résultats de cette étude soulignent l’importance de stabiliser l’horloge biologique interne de femmes pendant la période périnatale afin de minimiser les troubles de l’humeur et de l’anxiété pouvant se manifester.

Ils espèrent que de prochaines études permettront d’approfondir l’analyse de ces variations des rythmes biologiques pour pouvoir développer à terme des stratégies de prévention et de traitement des troubles anxio-dépressifs en amont et en aval de l’accouchement.

À savoir ! En France, les récentes « Assises de la santé mentale » ont permis de mettre en place un nouveau dispositif de prévention et de dépistage. Les jeunes accouchées peuvent ainsi bénéficier depuis début janvier d’un entretien systématique autour de la 5e semaine après l’accouchement. Réalisé par un professionnel de santé (médecins traitant ou sage-femme), il vise à repérer les signes de dépression post-partum.

Déborah L., Docteur en Pharmacie

Sources
– Longitudinal Changes in Sleep, Biological Rhythms, and Light Exposure From Late Pregnancy to Postpartum and Their Impact on Peripartum Mood and Anxiety. pubmed.ncbi.nlm.nih.gov. Consulté le 24 janvier 2022.
– Changes in sleep and biological rhythms from late pregnancy to postpartum linked to depression and anxiety. sciencedaily.com. Consulté le 24 janvier 2022.